10 000 personnes ont défilé samedi 18 mai pour dire non à la loi Blanquer, oui à une autre école, à l’invitation des syndicats éducation de la FSU, de la CGT éduc’action, de SUD éducation, de la CNT éducation et de la FCPE. Car la loi, actuellement examinée par le Sénat, porte une vision régressive de l’école et des amendements sénatoriaux dégradent encore davantage le texte initial. Mardi le Sénat valide la loi amendée puis une commission mixte paritaire fera les derniers arbitrages.
Le Sénat a terminé l’examen du projet de loi Blanquer et de ses 25 articles vendredi 17 mai.
Une commission mixte paritaire, composée pour moitié de parlementaires du Sénat et de l’Assemblée nationale, se réunira et pourra encore modifier ou supprimer des dispositions. En cas d’échec de cette commission, une nouvelle lecture du texte débutera à l’Assemblée puis au Sénat, l’Assemblée ayant le dernier mot.
Les amendements sénatoriaux dégradent encore le texte initial adopté par l’Assemblée en février et sont de nature à modifier en profondeur le fonctionnement de l’école, comme l’article 1 qui limite encore davantage la liberté d’expression ou l’interdiction de signes religieux pour les accompagnants alors que les parents d’élèves ne sont pas soumis au devoir de neutralité.
Mardi 21 mai, le Sénat devrait adopter solennellement le texte. Si le ministre a été contraint de reculer sur les établissements publics des savoirs fondamentaux, les déterminants de son projet pour l’école restent au cœur de sa loi qui consacre l’abandon de l’ambition d’une école pour toutes et tous, visant à réduire les inégalités et le poids des déterminismes sociaux.
Le point après examen des 25 articles devant le Sénat :
Nouvelle rédaction de l’Article 1 sur le devoir d’exemplarité des enseignant
Il permet d’avoir un cadre juridique permettant de rappeler à l’ordre les professionnels de l’éducation nationale qui formuleraient des critiques vis-à-vis de l’état du système scolaire ou des politiques menées. La formulation du Sénat ne fait plus référence à la loi de 1983 (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) qui dit que « La liberté d’opinion est garantie aux fonctionnaires ». La volonté est bien là de museler les enseignant-es !
Les Établissements Publics des Savoirs Fondamentaux (regroupements école-collège ) : article supprimé
Ce sont les nombreuses et massives mobilisations enseignantes, soutenues par les parents d’élèves et les élus qui ont permis la suppression par le Sénat de cet article. La FSU demande à la commission mixte paritaire de ne pas le réintroduire et s’adresse également au ministre afin qu’il confirme l’engagement donné devant les sénateurs de ne pas réintégrer cet article à la loi.
Autorité hiérarchique des directeurs et directrices d’école
L’article 6 ter stipule que les enseignants du premier degré sont placés « sous l’autorité » du directeur d’école qui « participe à leur évaluation« .
La FSU est opposée à un statut faisant des directeurs-trices des chefs d’établissement qui modifierait en profondeur le fonctionnement de l’école. Un tel statut ne ferait que renforcer la position administrative des directrices et directeurs, les éloignerait des adjointes et adjoints et instaurerait des relations managériales au sein des équipes. Le tout sans répondre aux difficultés posées.
Les EPEI ( Etablissements Publics d’Enseignement Internationaux)
Destinés à scolariser des élèves de la maternelle jusqu’à la fin du lycée, pour préparer l’option internationale du bac et proposer un enseignement en section binationale, ces EPEI s’adressent à une élite. Cet article institue l’école à deux vitesses, une école du tri social.
L’instruction obligatoire à 3 ans
Alors que 97% des enfants scolarisés sont déjà scolarisés à 3, cette disposition est avant tout un moyen de financer les écoles maternelles privées. L’obligation de leur financement par les mairies dès la rentrée 2019 entraînera une réduction des dépenses consacrées aux écoles publiques. Cela affaiblira l’école publique et ravivera la concurrence public-privé. Environ 150 millions d’euros !
Les jardins d’enfants pérennisés
Sauf changement à l’issue de la commission mixte paritaire, les jardins d’enfants qui accueillent actuellement 10 000 enfants de 3 à 6 ans, deviendront une filière parallèle à la maternelle pour des parents favorisés ; ce qui constitue une grave menace pour l’école maternelle française.
« Pré-recrutement » à la sauce Blanquer
Cela conduira à mettre des personnels non formé-es, dès la L2, en situation de faire classe, et d’instituer la précarité comme voie ordinaire d’entrée dans le métier. Quand l’enseignant.e de la classe sera absent.e, il.elle pourra être remplacé.e par un.e étudiant.e.
Interdiction du port de signes religieux pour les accompagnateurs et accompagnatrices lors de sorties scolaires
Faisant fi de l’arrêt du Conseil d’État de 2013, les sénateurs ont adopté un amendement interdisant le port de signes religieux pour les accompagnateurs et accompagnatrices lors de sorties scolaires, excluant de fait tout une partie de la communauté éducative.
Suppression du CNESCO
Celui-ci sera remplacé par le Conseil d’Évaluation de L’École dont le ministre choisira 10 membres sur 14. Il n’y aura plus d’instance officielle des politiques publiques menées et indépendante du pouvoir qui pourront témoigner. Il sera un instrument du développement du pilotage par l’évaluation des enseignant-es et des établissements, du renforcement du management et des pressions hiérarchiques.
L’annualisation du temps de service et la formation continue obligatoire
Si cette disposition est retenue par la commission mixte paritaire, les enseignants devront se former « en priorité » pendant les vacances scolaires.
Suppression des allocations familiales aux parents d’élèves absentéistes
C’est le retour de la loi Ciotti de 2010 qui prévoit notamment la possibilité d’effectuer une retenue sur les allocations familiales versées aux parents d’élèves de moins de 16 ans pour cause d’absentéisme scolaire.
Les PIAL (Pôle Inclusif d’Accompagnement Localisé) et les AESH
L’inclusion des élèves en situation de handicap est également mise à mal. L’objectif est la réduction du nombre d’heures d’accompagnement prévues par la MDPH aux élèves en situation de handicap et de faire mettre en œuvre cette baisse des moyens d’accompagnement par les enseignant-es. L’objectif étant de limiter les affectations personnelles des AESH au profit d’affectations collectives. On ne peut que craindre l’arrêt complet des accompagnements individualisés et la possibilité pour le chef d’établissement « responsable » de son PIAL à pouvoir engager le nombre d’AESH nécessaires à son bon fonctionnement en rationalisant au maximum les postes d’AESH. Dans le PIAL, l’accompagnement mutualisé sera désormais le principe, tandis que l’accompagnement individualisé deviendra l’exception.
La FSU poursuit les mobilisations, notamment le jour de la commission mixte paritaire, pour l’abandon de l’ensemble de ce texte de loi. C’est bien d’un autre projet dont l’école a besoin pour s’attaquer aux inégalités scolaires et démocratiser ainsi la réussite de tous les élèves.